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French to English: Symbol and Fantasy in the Adagio Movement from Schubert’s String Quintet
Source text - French
Symbole et fantasme dans l’Adagio du Quintette 9
I
La caractérisation des tonalités en fonction de leur plus ou moins
grand degré de clarté, de la joie, de la tristesse, ou des sentiments
divers qu’elles sont censées éveiller en l’auditeur, de leur poten-
tiel de représentation symbolique, et même de leurs vertus mora-
les supposées, est une idée que l’on croirait volontiers reléguée
depuis longtemps au grenier de la musicologie, avec d’autres sem-
blables vieilleries sans valeur. Personne, surtout dans le domaine
éminemment positiviste de l’analyse musicale, ne se risquerait
plus à accorder le moindre crédit à un tel aspect, tant il semble
irrémédiablement lié à un discours esthétique passé de mode. Ni
les tenants de l’analyse traditionnelle, ni les différentes écoles
modernes (schenkérienne, néo-riemannienne, sémiotique, sémio-
logique, etc.) ne s’y intéressent, suivant en cela Tovey qui déjà
avait rejeté la possibilité d’une telle théorie :
Les caractères que l’on attribue aux tonalités en elles-mêmes ne sont
rien d’autre … que le résultat des caprices psychologiques de chacun ; il
est par conséquent inutile de chercher à tomber d’accord avec quicon-
que sur leur nature ¹.
1.Cf. Donald Francis Tovey, Beethoven, Oxford University Press, Londres, 1944,
p. 9 : « The character of keys in themselves is … a psychological vagary about which
no two persons need trouble to agree. »
Toutes les traductions contenues dans cet essai sont de nous, sauf lorsqu’il en est
indiqué autrement.
Symbole et fantasme dans l’Adagio du Quintette
10
Tovey ne nie pas qu’il y ait des différences de caractère entre
les tonalités ; il souligne cependant que ces différences ressortis-
sent à une expérience personnelle non transmissible. C’est là une
des objections les plus fréquemment adressées à l’encontre de
l’idée de caractérisation tonale : celle-ci ne paraît reposer sur rien
de précis, rien de palpable, aucun phénomène clairement identi-
fiable qui puisse être analysé rationnellement et à partir de quoi
l’on puisse inférer une théorie cohérente. Quant aux tableaux éla-
borés par les auteurs adeptes de cette notion, mettant en rapport
telle tonalité avec tel type de caractère, ils apparaissent tout à la
fois vagues et contradictoires du point de vue musical, compen-
sant au mieux — ou ne faudrait-il dire : au pire ? — leur impréci-
sion par une abondance de descriptions poétiques sans objet tan-
gible. Faute de données vérifiables, ces spéculations ne sauraient,
en résumé, s’interpréter autrement que comme un amalgame de
définitions arbitraires, concourant peut-être à échafauder une tra-
dition esthétique marginale, mais sans plus de scientificité et de
rigueur que l’astrologie, les tarots ou la chiromancie.
La musicologie, dans son effort pour se hausser au niveau d’une
discipline universitaire, a rejeté ce qui ne pouvait guère passer
pour plus qu’une superstition. Seules sont admises sans autre exa-
men critique les caractéristiques — libellées d’ordinaire en ter-
mes de clarté ou d’obscurité moindre ou supérieure — liées à la
constitution physique des instruments : ainsi, la « brillance» de
ré majeur est-elle habituellement attribuée à la sonorité des cor-
des à vide des violons ainsi qu’à l’éclat des trompettes, alors que
les cors ont en revanche plus d’intensité en mi bémol. Cet argu-
ment a été particulièrement développé par Helmholtz, qui attri-
buait à une différence d’attaque des touches blanches ou noires le
contraste entre les tons de do majeur et ré bémol majeur au piano;
de même, aux instruments à cordes, l’imperfection de l’intona-
tion des quintes autres que celles données par les cordes à vide
expliquerait la différence de perception entre les tonalités ¹.
Pourtant, la recherche d’une « signification » musicale qui mar-
que certaines tendances actuelles n’est pas en soi incompatible
1. Cf. Hermann Helmholtz, Die Lehre von den Tonempfindungen, Friedrich Vieweg
und Sohn, Brunswick, 1862, 6e éd. 1913, p. 503.
Symbole et fantasme dans l’Adagio du Quintette 11
avec la notion de caractéristiques des tonalités, qui associe à cha-
cune de celles-ci une connotation particulière. Il n’est en effet pas
interdit d’imaginer que différents topiques soient liés à des situa-
tions tonales précises (la « pastorale » et le ton de fa majeur, pour
citer un exemple maintes fois rebattu) ; mais encore faut-il mon-
trer que tel est le cas ¹.
De manière révélatrice, la recherche sémiologique rejette ce
genre de discussion :
Les tonalités pastorales chez Beethoven varient de fa majeur (Sixième
Symphonie) à ré majeur (Sonate pour piano op. 28) et je soutiens que la
Sonate pour piano en la majeur op. 101 est également une œuvre pasto-
rale. Dans le dernier baroque, sol majeur était un choix répandu… Même
sol mineur était auparavant possible… Une telle diversité montre que les
tonalités ne possèdent aucune qualité individuelle distinctive. Dans le
contexte du tempérament égal, il n’y a pas de différence intrinsèque en-
tre tonalités d’un même mode considérées de manière séparée ².
Notons pourtant que du point de vue de la psychologie, la pos-
sibilité d’associer de manière consciente ou inconsciente des
1.Dans un livre relativement atypique, Deryck Cooke (The Language of Music,
Oxford University Press, Londres, 1959, p. 175) admet l’existence d’ « humeurs »
(moods) spécifiques des tonalités, dont le rôle est notamment lié au fonctionnement
créatif de l’inconscient des compositeurs.
2.Robert S. Hatten, Musical Meaning in Beethoven : Markedness, Correlation,
and Interpretation, Indiana University Press, Bloomington, 1994, p. 302–3 : « Pas-
toral keys for Beethoven range from F (Sixth Symphony) to D (Piano Sonata, Op. 28),
and I will argue that the Piano Sonata in A, Op. 101, is pastoral as well. In the high
Baroque, G major was popular… Even earlier, G minor was a possibility… Such a
variety of keys argues against the inherent qualities of keys. In cases of equal-tempered
tuning, there is no internal difference among keys in the same mode when considered
in isolation. »
Il est intéressant de remarquer que, contrairement à l’idée reçue — sans nul doute
liée au titre donné par Beethoven à sa Sixième Symphonie, — fa majeur n’est pas
spécifiquement un ton pastoral. Il est en effet associé d’une part au calme et à la
sérénité, à une joie de vivre innocente assortie d’une tendance à la badinerie, d’autre
part à une certaine gravité religieuse. Toutes ces définitions conviennent d’ailleurs
tout à fait au premier et au dernier mouvement de la Pastorale et s’accordent avec
l’indication de Beethoven selon laquelle, dans cette Symphonie, il s’agit « davantage
d’une description de sentiments que d’une peinture sonore ». La véritable tonalité
rustique est en fait sol majeur, et ce caractère survit à l’époque classique comme en
témoignent, dans Les Noces de Figaro, les chœurs de paysannes et de paysans (nos 8
et 21) que Mozart place dans ce ton, ainsi, dans Don Giovanni, que le chœur nº 5
« Giovinette che fate all’amore ». En ce qui concerne les caractères traditionnels de
chaque tonalité, cf. la thèse de R. Steblin mentionnée ci-dessous, p. 12 n. 2.
Symbole et fantasme dans l’Adagio du Quintette
12
expériences telles que l’audition de deux morceaux de musique
d’une même tonalité ne pose depuis longtemps aucun problème
conceptuel particulier, alors que les musicologues ne peuvent sim-
plement tomber d’accord pour l’admettre. L’état affectif commun
à ces deux expériences constitue alors le facteur qui permet de les
réunir :
Lorsque deux états de conscience ont été accompagnés d’un même
état affectif, ils tendent à s’associer. L’état affectif lui-même, qui joue le
rôle de ciment, peut rester conscient ou au contraire disparaître. C’est
par une association affective de ce genre que [l’on] a expliqué claire-
ment le phénomène d’audition colorée ¹.
Si ce n’est qu’ici encore, nous nous trouvons devant un phéno-
mène individuel d’association dont rien n’indique qu’il puisse être
transmissible ou reproductible de manière identique d’une per-
sonne à l’autre. Nous avons néanmoins reconnu la possibilité de
lier dans une même série, par l’intermédiaire d’une expérience
psychologique similaire, des expériences musicales différentes.
Dans sa thèse de doctorat, Rita Steblin ² retrace l’histoire de la
caractérisation des tonalités au XVIIIe et au début du XIXe siècle.
Outre les énoncés plus ou moins variables des caractères associés
aux tonalités, R. Steblin présente les bases théoriques successives
sur lesquelles se sont appuyés les partisans de la caractérisation
pour expliquer celle-ci : hauteur relative des échelles, persistance
des affects liés aux anciens modes, tempérament inégal, proprié-
tés instrumentales, opposition des tonalités diésées et bémolisées.
En plus de la richesse du matériau et sa présentation synthétique,
l’intérêt de la thèse réside dans la mise en valeur de l’importance
qu’ont pu revêtir ces théories du point de vue historique.
Car le problème n’est pas, a priori, que nous croyions ou non à
titre personnel aux propriétés singulières de chaque ton, à sa ca-
pacité à d’expression spécifique : notre position actuelle (le plus
souvent, d’ailleurs, imparfaitement informée) face à cette ques-
1. Édouard Claparède, L’Association des idées, O. Doin, Paris, 1903, p. 348.
2. Rita Katherine Steblin, « Key characteristics in the 18th and the early 19th
centuries : a historical approach », thèse de musicologie pour l’obtention du degré de
docteur en philosophie, université de l’État de l’Illinois à Urbana-Champaign, 1980.
Symbole et fantasme dans l’Adagio du Quintette 13
tion est en définitive de peu de conséquence. Plus pertinente est
celle, historique, du compositeur. Négliger cette dernière du seul
fait de notre incrédulité présente constituerait à cet égard une faute
de méthode puisqu’elle reviendrait à nous priver d’un élément de
compréhension de son œuvre en appauvrissant volontairement
notre connaissance du contexte dans lequel s’est opéré le choix
d’une dimension essentielle de celle-ci, sa tonalité. Ce que nous
montre au reste l’histoire est une large adhésion des musiciens au
principe de caractérisation, ce qui bien sûr n’exclut pas qu’il ait
pu y avoir des réfractaires à ce principe, et si des controverses ne
manquèrent pas de s’élever sur les justifications à donner à son
origine. Comme le note R. Steblin, la vivacité des débats que cette
question a pu susciter est un indice même de son intérêt.
En fonction de quoi le compositeur choisit-il donc une tonalité
plutôt qu’une autre ? Il est évident qu’un tel choix est nécessaire-
ment signifiant ; il ne peut simplement s’expliquer de façon aléa-
toire, et les justifications de tessiture ou de registre soit instru-
mentaux soit vocaux fréquemment avancées semblent plutôt
courtes. Si l’on excepte les quelques cas où il est effectivement
déterminé par des considérations de constitution physique ou de
mise en valeur des qualités d’une voix ou d’un instrument parti-
culiers, de quoi ce choix peut-il être signifiant ? Répondre à cette
question revient à stipuler l’existence d’une différenciation effec-
tive de chaque ton en impliquant la possibilité d’une caractérisa-
tion, quel que soit, à ce stade, ce qu’on entend par là.
On peut supposer que le choix de tonalité, réfléchi ou non, ou
— si l’on préfère — conscient ou inconscient, s’exerce dans l’ab-
solu d’un temps pré-compositionnel où il n’est conditionné que
par le rapport entre la tonalité et sa ou ses caractéristiques. Mais
on peut aussi supposer que la tonalité, et donc son choix, sont
directement liés au matériau, troisième terme dans lequel s’incar-
nent à la fois la tonalité et sa caractérisation. Le matériau est-il
alors choisi pour s’accorder au caractère du ton ? Ou le choix de
ce dernier dépend-il au contraire du caractère du matériau ? Ou
encore, tonalité et matériau ne se présentent-ils pas ensemble, de
manière préréflexive, au compositeur ?
Symbole et fantasme dans l’Adagio du Quintette
14
Dans la première hypothèse, le motif qui guide celui-ci peut
tout d’abord être d’ordre intérieur, individuel : il s’agit de son « res-
senti » propre, jusqu’à un certain point irréfléchi, des tonalités, ou
du sens qu’il leur attribue de façon plus délibérée. Ce ressenti ou
ce sens peuvent avoir été élaborés à partir des propres œuvres du
compositeur, ou bien de celles d’autres compositeurs soit anté-
rieurs soit contemporains, ou encore plus probablement à partir
de ces deux origines sans qu’il soit forcément possible de les dé-
mêler. Il peut aussi s’agir, tout simplement, de faire écho sur un
plan purement musical à une œuvre précédente comparable et de
même tonalité. Cette œuvre servira alors au compositeur de réfé-
rence à contredire ou à dépasser, en fonction d’un « esprit » parti-
culier qui est le sien et par rapport auquel il établira son propre
projet. Cet « esprit » peut se décrire comme une relation particu-
lière de la forme au matériau d’une part, et de leur correspon-
dance avec le choix tonal d’autre part, sous-entendant le caractère
distinctif de ce choix.
Mais la motivation peut encore être d’ordre extérieur, c’est-à-
dire lié à la communication, et découlant alors de la connaissance
d’un contexte donné : j’écris ainsi (en tant, par exemple, que com-
positeur œuvrant autour de 1840) un morceau de musique en do
mineur parce que do mineur possède une signification suffisam-
ment bien acceptée, au moins connue d’une part représentative du
public — par exemple de deuil, de sentiment tragique, d’appré-
hension anxieuse ¹, — sachant que par là je me réfère à une tradi-
tion d’autres morceaux en do mineur, tradition que je veux pour-
suivre ou amender, voire à laquelle j’entends m’opposer. Plus
généralement, j’attends de mon public qu’il possède lui-même un
certain « ressenti » de do mineur, déterminé par les références aux
œuvres classiques de même genre et de même ton qui au demeu-
rant ne manqueront pas, que je le veuille ou non, de venir condi-
tionner plus ou moins inconsciemment son écoute.
Dans la seconde hypothèse, le choix tonal est associé de façon
concrète à un choix de matériau. Lequel de ces deux choix pré-
1. Nous empruntons ces valeurs symboliques à l’ouvrage de Deryck Cooke, op.
cit., p. 17, 31 et 175–6.
Symbole et fantasme dans l’Adagio du Quintette 15
cède l’autre, pour autant qu’il soit possible de trancher, est une
question sans importance. La démarche, ici encore, peut être in-
tentionnelle, réfléchie, ou spontanée, « inspirée », précédant alors
la réflexion. Dans ces deux cas, matériau, tonalité et caractérisa-
tion n’émanent là non plus pas de décisions arbitraires prises dans
un vide contextuel, mais constituent des (re-)constructions ou des
(ré-)assemblages originaux d’éléments préexistant à l’état soit de
réminiscences, soit de données conscientes.
Pour clarifier ce qui vient d’être dit, on pourrait regrouper les
différentes conditions de choix du compositeur sous forme de cou-
ples d’opposés : caractérisation virtuelle (sans référence au maté-
riau) / caractérisation actuelle (réalisée dans un matériau donné ¹);
musicale (non-verbalisée) / symbolique (verbalisée) ; personnelle/
relationnelle ; consciente / inconsciente. Ces différentes catégo-
ries, nous venons de le voir, peuvent se chevaucher et s’entrecou-
per de manière à former des combinaisons complexes. Elles n’ap-
pellent pas de commentaire spécifique, à l’exception toutefois de
la dernière.
La part réfléchie — consciente — ou préréflexive — incons-
ciente — peut, selon les compositeurs et leur manière de compo-
ser, être plus ou moins grande. L’inspiration en tant que telle est
une « idée qui vient », ou Einfall, surgissement psychique invo-
lontaire sous la poussée de l’inconscient (que Gœthe nomme du
mot français d’«aperçu»), participant d’une chaîne d’associa-
tions. Si l’analyse, en mettant au jour les différents niveaux de
cohérence d’une œuvre musicale, donne l’impression que le com-
positeur a sciemment établi un écheveau de relations dont la com-
plexité s’avère parfois impressionnante, la réalité est probable-
ment qu’un certain nombre sinon la plupart de ces relations sont
restées dans l’ombre et qu’il ne s’est contenté que d’en avoir une
conscience obscure, voire de les avoir établies inconsciemment.
L’objection incrédule fréquemment opposée à l’analyste pour
récuser la validité de son travail, et qui prend la forme de la question
1.Par « matériau » il faut ici entendre non seulement le matériau lui-même, c’est-
à-dire sa forme mélodique, rythmique et harmonique, mais les conditions fondamen-
tales de son énonciation, à savoir la mesure et le tempo.
Symbole et fantasme dans l’Adagio du Quintette
16
naïve : « Mais le compositeur a-t-il pensé à tout cela ? », est à son
tour disqualifiée par cette observation. Que le compositeur y ait
« pensé » ou non, c’est bien lui qui a mis ces relations dans sa
musique, et il est bien l’auteur de toutes les relations dont sa mu-
sique témoigne. Ceci s’applique naturellement à la question de la
caractérisation des tonalités. Les choix conscients sont soutenus
par l’inconscient : celui-ci intervient dans la composition, jusqu’à
en devenir dans certains cas l’agent principal. Comme l’affirme
Freud, l’inconscient — loin de ne laisser échapper que des senti-
ments, des rêves et des fantasmes confus — est tout à fait capable
d’une production élaborée et cohérente. Ainsi, selon lui, « les ac-
tivités de pensée les plus compliquées peuvent se produire sans
que la conscience y prenne part ¹. » Naturellement, ceci concerne
aussi la création artistique. Freud relève à ce propos que
Même dans les créations intellectuelles et artistiques, il semble que
nous soyons portés à surestimer le caractère conscient. Les renseigne-
ments que nous ont laissés sur ce point des hommes d’une aussi grande
fécondité intellectuelle que Gœthe et Helmholtz montrent bien plutôt
que ce qu’il y eut d’essentiel et de nouveau dans leur œuvre leur vint par
une sorte d’inspiration subite, et presque complètement achevé. Il n’est
pas étonnant que dans d’autres cas, alors que toutes les forces intellec-
tuelles sont nécessaires pour résoudre une question, l’activité consciente
collabore. Mais elle abuse beaucoup de son privilège en dissimulant toute
autre activité partout où elle-même entre en jeu ².
Dans Poésie et Vérité, Gœthe évoque ainsi l’étonnement ou même
l’effroi que provoquent les manifestations d’une apparence de rai-
son chez les animaux, ou encore les mouvements qui animent cer-
taines plantes comme la sensitive, dont la rétractation au contact
semble témoigner d’une intentionnalité anthropomorphe, avant de
les comparer à la manière dont naissent en lui les poèmes sans que
néanmoins il participe activement à leur conception:
J’étais parvenu à regarder comme appartenant entièrement à ma na-
ture le talent poétique qui était en moi, d’autant plus que j’étais conduit
1. Sigmund Freud, L’Interprétation des rêves, trad. fr. de I. Meyerson, Presses
universitaires de France, Paris, 1926, nouvelle éd. revue par Denise Berger, 1967,
p. 504 (soulignement de l’auteur).
2. Ibid., p. 520–1. Voir également la citation de Schiller qui rapproche l’artiste du
rêveur à propos de la discussion de l’Einfall, à la p. 96 du même ouvrage.
Symbole et fantasme dans l’Adagio du Quintette 17
à considérer la nature extérieure comme son objet. L’exercice de ce don
poétique pouvait, il est vrai, être excité et déterminé par une occasion,
mais c’était involontairement, et même contre ma volonté qu’il se mani-
festait avec le plus de joie et d’abondance¹.
Tout spécialement, c’est dans son sommeil que ces œuvres lui
viennent et il doit se garder d’un retour trop brusque à la cons-
cience pour ne pas anéantir ces précieux élans d’inspiration, qu’il
note comme on noterait un rêve:
Il en était de même quand je m’évaillais la nuit, et j’eus souvent
envie de me faire faire un pourpoint en cuir, comme un de mes
prédecesseurs, et de m’accoutumer à fixer dans les ténèbres, au toucher,
ce qui surgissait à l’improviste. Il m’arrivait si souvent de me réciter à
moi-même une petite pièce de vers, sans pouvoir la retrouver, que par-
fois je courais à mon pupitre, et, sans prendre le temps de redresser une
feuille posée de travers, sans changer de place, j’écrivais le poème du
commencement à la fin, en diagonale. Dans ce même ordre d’idées, je
recourrais de préférence au crayon, dont les traits sont plus dociles, car il
était arrivé quelquefois que le grincement et le craquement de la plume
me réveillassent et étouffassent, à sa naissance, une petite production².
De sorte qu’attribuer à l’inconscient la responsabilité d’un choix
ne réduit pas la portée artistique de ce dernier. Ce n’est pas amoin-
drir son lien d’appartenance à son auteur, y voir en quelque sorte
un peu moins le fait de celui-ci, que d’assigner l’origine de ce
choix à son inconscient.
Conscient ou inconscient, le choix du compositeur reste donc
avant tout un « choix » au sens plein, qui établit un rapport d’adé-
quation entre le matériau ou l’intention compositionnelle et le ton
dans lequel ceux-ci s’expriment. Ce rapport se concrétise dans un
terme intermédiaire qui se nomme, précisément, caractérisation.
Dans les catégories énoncées ci-dessus, nous avons reconnu que
cette caractérisation pouvait s’établir aussi bien de manière ver-
bale (caractérisation traditionnelle), que pré-verbale (caractérisa-
tion inconsciente) ou même non-verbale (caractérisation « musi-
cale »). Or, si une fois amenée à la conscience une caractérisation
1.Johann Wolfgang von Gœthe, Souvenirs de ma vie: poésie et vérité, trad. fr. de
Pierre du Colombier, Aubier, Paris, 1941, p. 430.
2.Ibid.
Symbole et fantasme dans l’Adagio du Quintette
18
inconsciente est conduite à être verbalisée, éventuellement sous
la forme d’une description imagée, une caractérisation proprement
musicale semble pouvoir se passer du support des mots. Mais ceci
n’est vrai que d’un point de vue idéal. En effet, dès que l’on dé-
passe le cas particulier d’un compositeur donné face à son œuvre,
où un tel état de non-articulation est concevable, le passage à l’ex-
pression verbale s’impose pour des raisons évidentes de communi-
cabilité. Sans cette verbalisation, il n’y a pas de transmission pos-
sible, et donc pas de tradition. Quant à cette non-articulation
elle-même, elle s’apparente à une « conscience obscure », pré-
réflexive, soit une situation sub- ou préconsciente. Et, de fait, la
seule forme qu’ont pu revêtir historiquement les caractérisations
des tonalités, et qui a pu nous être transmise, est celle que décrit la
thèse de R. Steblin, c’est-à-dire celle des associations verbales.
Si nous avons considéré le cas du compositeur, qu’en est-il à
présent de son public ? Ce dernier est-il au fait des associations
sur lesquelles repose la caractérisation des tonalités ? Très proba-
blement, le type de connaissance qu’il en a, l’étendue de celle-ci,
varient-ils selon les époques et les niveaux de culture des indivi-
dus. Mais de cette connaissance elle-même, aussi floue soit-elle,
il n’y a pas lieu de douter. Quant au critère de lieu, il paraît peu
déterminant car la culture musicale de l’époque classique et ro-
mantique est fortement européanisée, grâce notamment aux nom-
breux voyages effectués par les musiciens et l’extension interna-
tionale des réseaux de diffusion des éditeurs. Ce que montre en
effet la thèse de R. Steblin, c’est la persistance historique de la
notion de caractérisation tonale à travers les écrits d’une lignée
fournie de compositeurs et de théoriciens présente dans toute l’Eu-
rope, notamment en France, en Allemagne, mais également en
Italie et en Angleterre. Ne serait-ce que par leur nombre ou la
notoriété, parfois considérable, de leurs auteurs (Rameau, Rous-
seau, Mattheson, Kirnberger, Koch, Schilling, Rochlitz, Grétry,
Galeazzi, Schubart, Vogler, Reicha, Berlioz, A. B. Marx…), ces
écrits ne pouvaient guère échapper à la partie la plus cultivée du
public, et, bien sûr, encore moins aux compositeurs eux-mêmes,
surtout lorsqu’il s’agissait de traités de composition. De surcroît,
certains auteurs, en introduisant ces descriptions dans des ouvra-
Symbole et fantasme dans l’Adagio du Quintette 19
ges de nature non théorique comme des romans (ainsi la Hildegard
von Hohenthal de J. J. W. Heinse, publiée en 1795–1796, ou les
Kreisleriana d’E. T. A. Hoffmann, parues en 1814) ou bien sous
forme poétique (comme J. J. Wagner dans ses Ideen über Musik
de 1823) aidaient à une diffusion plus large de telles idées. Écrire
ainsi une sonate, une symphonie en do mineur, le spécifier, c’est
affirmer quelque chose, faire passer, volontairement ou non, un
« message » — affectif ou autre, — même des plus sommaire,
auprès du public d’une époque donnée.
Mais ce qui apparaît là est bien la persistance de la notion de
caractérisation, et non du contenu de chaque caractérisation to-
nale particulière. On pourrait ainsi s’interroger sur la constance
de ce « message » dans le temps et, de fait, lorsqu’on compare les
descriptions d’auteurs appartenant à des époques différentes, on
ne manque pas de relever un certain nombre d’inconséquences.
On peut attribuer cette évolution à une dérive progressive de la
tradition de caractérisation tonale, qui s’expliquerait d’autant mieux
si l’on estime que cette tradition ne relève que d’un placage extra-
musical arbitraire. Néanmoins, ces inconséquences restent limi-
tées lorsqu’il s’agit des tonalités les plus usuelles, peu ou moyen-
nement chargées en altérations. Elles s’accroissent avec les tons
plus lourdement chargés, notamment les tonalités majeures forte-
ment diésées comme mi et si. C’est ce que note R. Steblin :
Il est sans doute significatif que les inconséquences les plus frappan-
tes concernent les tonalités les plus éloignées de do majeur, celles par
conséquent les moins utilisées dans l’exécution ¹.
D’emploi exceptionnel à l’époque baroque, ces tons ne peuvent
qu’apparaître durs et insolites dans le contexte des tempéraments
moyens alors en usage. Ils ne semblent acquérir une personnalité
véritable qu’avec la généralisation du tempérament égal. On trouve
une telle explication chez Rameau :
L’excès des deux dernieres Quintes
Translation - English Xavier Hascher
Symbol and Fantasy in the Adagio Movement from Schubert’s String Quintet
Chapter I
The idea of characterizing keys according to greater or lesser degree of clarity, of joy, of sadness or different emotional responses elicited from the listener, of their potential for symbolic representation, and even of their alleged moral virtues, has long since been relegated to the dustbin of musicology along with similarly worthless, quaint notions. No-one, especially within the eminently positivistic field of musical analysis, would take chances by granting the least credibility to considerations so inextricably bound to such old-fashioned aesthetic discourse. Neither the proponents of traditional analysis nor the various modern schools (Schenkerian, neo-Riemannian, semiotic…) have shown interest in them - thus following Tovey who had already rejected the possibility for such a theory:
“The character of keys themselves… is a psychological vagary about which no two persons need trouble to agree.”1
Tovey does not deny differences in character between keys; what he does emphasize, however, is the fact that these differences are the result of personal experience that is difficult to communicate. That is one of the objections most frequently raised against the idea of tonal characterization: the latter does not seem to rest upon anything accurate, tangible, or any clearly identifiable phenomenon that might be rationally analyzed and on the basis of which one could infer a coherent theory. As for the diagrams drawn up by those who subscribe to the notion of key correlation to character types, they turn out to be, at best – or should one say at worst? – vague and contradictory from a musical perspective, flaunting excessive poetic descriptions with no tangible object in order to compensate for their own inaccuracy. Given the absence of verifiable data, such speculation cannot be interpreted in terms other than a conflation of arbitrary definitions leading up to no more than a marginal tradition of aesthetics hardly possessing more scientific rigour than astrology, tarot or palm reading.
In its attempt to elevate itself to the rank of a university discipline, musicology has rejected everything that would come across as mere superstition. The only characteristics admitted without further critical examination – usually labelled in terms of higher or lower degrees of clarity or obscurity – are the ones related to the physical make–up of instruments: thus, D major “brilliance” is usually attributed to violin open strings or the outburst of trumpets whereas horns are said to have more intensity in E flat. Helmholtz, who pursued this line of argument, accounted for differences in attack between white and black keys in terms of the contrast between C major and D flat major on the piano; likewise, as far as string instruments are concerned, inaccuracies of the intonation of fifths other than open strings would account for differences in the perception of keys2.
Yet the quest for musical “meaning” - so obvious within recent trends - is not intrinsically incompatible with the notion of key characteristics associating specific connotations to each one of them. One could go as far as imagining that different topics might be linked to specific tonal situations (the “pastoral” and the F major tonality – just to mention an overly familiar example). And yet one must demonstrate that such is actually the case3. Not surprisingly, research in semiotics rejects this kind of discussion:
“Pastoral keys for Beethoven range from F (Sixth Symphony) to D (Piano Sonata, Op. 28), and I will argue that the Piano Sonata in A, Opus 101 is pastoral as well. In the high Baroque, G major was popular… Even earlier G minor was a possibility… Such a variety of keys argues against the inherent qualities of keys. In cases of equal-tempered tuning, there is no internal difference among keys in the same mode when considered in isolation”4.
Let us note, however, that from the perspective of psychology, the possibility of consciously or unconsciously associating such experiences as listening to two pieces in the same key has since then no longer posed any specific conceptual difficulties ; musicologists have simply failed to agree to admit it.
The affective state common to both those experiences is the very factor allowing them to merge:
“When two states of consciousness go along with the same emotional state, they tend to merge. The emotional state itself, not unlike concrete, may remain conscious or it might disappear. It is through this kind of emotional association that the phenomenon of hearing through colours has clearly been accounted for.”5
Here we are yet again confronted with a single phenomenon of association with no indication as to how it may be identically passed on or repeated from one person to another. We have nonetheless acknowledged the possibility of relating different musical experiences within the same series through a similar psychological experience. In her doctoral thesis, Rita Steblin6 traces the history of key characterization from the eighteenth to the early nineteenth century. Leaving aside the more or less variable statements about characters associated to keys, Steblin presents the successive theoretical bases which advocates of key characterization have relied on in order to account for it: scales’ relative pitch, persistence of affect as related to ancient modes, unequal temperament, instrumental properties, and the opposition between sharp and flat keys. In addition to rich material and overall presentation, the thesis emphasizes the historical importance of such theories.
Whether or not we personally believe in the singular characteristics of each key or its capacity of singular expression is not what is at stake here: our current stand (being, besides, most often imperfectly informed) on this issue is hardly of any consequence at all. It is the composer’s historical positioning that is ultimately relevant. Neglecting the latter merely through our present disbelief would, in this respect, turn out to be a methodological flaw to the extent that it would deprive us of an element of understanding of his work by deliberately impoverishing our knowledge of the context within which choices deemed essential to it have been made, especially those related to the chosen key. History demonstrates, after all, musicians’ attachment to the principle of characterization which, to be sure, did not preclude them from opposing themselves to it to the extent that controversies about justifications provided as to its origin were frequently raised. As Steblin points out, the liveliness of the debates which the issue has provoked is a sign of its very interest.
In terms of what, then, does a composer choose one key rather than another? Obviously such a choice is significant; it simply cannot be accounted for in haphazard terms while arguments related to vocal or instrumental texture or register, though frequently advanced, can hardly suffice. Except for a few cases in which it is actually determined by considerations of physical constitution or valuing specific vocal or instrumental characteristics, what is such a choice significant of? Answering such a question would amount to positing the existence of an effective differentiation of each key - thus implying the possibility of characterization, whatever, at this stage, is meant by it.
One might suppose that key choice - whether reflected upon or not or, if preferable, whether conscious or unconscious - occurs within the absoluteness of the time prior to composition where it is only conditioned by the relationship between key and its characteristic(s). But one might also suppose that key, and therefore its choice, is directly related to material, the third term through which key and characterization are at once embodied. Is material chosen to match key character? Or does the choice of the latter depend, by contrast, on the material’s character? Or, further still, do not both key and material simultaneously appear to the composer?
Granted the first hypothesis, the reason guiding the composer might be individually located: it is about his own “feeling”, unreflected upon until a certain point, about keys or the meaning he may intentionally ascribe to them. Such feeling or meaning may have been worked from the composer’s own works or from another’s, prior or contemporaneous, or, more likely still, from both origins without possibly disentangling them. It might also be simply a matter of echoing a comparable, prior work within the same key at a purely musical level. Such a work will serve the purpose of providing the composer with a reference to contradict or move away from in terms of his own particular “spirit” and in relation to which he will establish his own project. Such “spirit” may be described, on the one hand, as a specific relationship of form to material and, on the other hand, as a correspondence with the tonal choice which implies, in turn, the distinctive character of such a choice.
External factors may determine motivation, which might relate to communication and emerge out of a given context: as a composer working around 1840, I may write a piece of music in C minor because such a key possesses accepted meanings – such as mourning, tragedy and anxious apprehension, for instance7 - which a section of the representative audience is knowledgeable about. I am also aware of referring to a tradition of other pieces in C minor, a tradition I might wish to pursue, amend or even oppose myself to. Broadly speaking, I expect the audience to share a sense of C minor determined by references to classic works of the same genre as well as the same key which will certainly end up, whether I like it or not, more or less unconsciously conditioning their listening patterns.
If we pursue the second hypothesis, key choice is actually associated to choice of material. Determining – inasmuch as it may be possible to decide - which of the two choices comes first hardly matters. The approach may be yet again thought through, intentional or spontaneous, “inspired” and therefore prior to reflection. In both these cases material, key and characterization are not merely the outcome of arbitrary decisions taken in some kind of contextual vacuum but rather constitute (re)constructions or original (re)assemblages of pre-existing elements at the state of reminiscences or conscious data.
In order to clarify what we have just stated, one might gather the composer’s various conditions for choice under a series of oppositions: virtual characterization (with no reference to material)/ actual characterization (rendered through pre-existing material8); musical (non-verbalized)/symbolic (verbalized); personal/social; conscious/unconscious. These different categories, as we can see, might overlap so as to form complex combinations. They do not call for specific comments except for the last one.
The aspect involving reflection – being conscious – and the pre-reflective one – being unconscious – might significantly vary from one composer to another with respect to stylistic differences. Inspiration as such is an “idea that comes”, or Einfall, an involuntary psychic rise under the impetus of the unconscious (which Goethe designates in French by “aperçu”) belonging to a chain of associations. If analysis, through clarification of different coherence levels of a musical work, gives the impression that the composer has consciously established a network of relationships whose complexity may be impressive, the truth of the matter is that a great number, if not most, of those relationships were actually set aside - the composer having simply accepted no more than a vague awareness of them or even having unconsciously established them.
This very observation undermines, in turn, the objection frequently raised against the analyst to contest the validity of his work which the naïve question “did the composer actually think about all that?” expresses. Whether the composer actually thinks it through or not, it is he who organizes those relationships within his music; he alone authorizes all those relationships which his music testifies to. This will naturally apply to the question of key characterizations. Conscious choices are supported by the unconscious which intervenes within composing to such an extent that, in some cases, it may become its principal agent. As Freud puts it, the unconscious – far from letting feelings, dreams and confused fantasies escape – is quite capable of elaborate and coherent production. Thus, according to him, “the most complex thinking activities may occur regardless of conscious activity9.” Naturally, this also applies to artistic creation. In this respect, Freud stresses that
Even within artistic and intellectual creations it seems that we are led to overestimate conscious character. The information of such intellectually productive men as Goethe and Helmholtz have left us with shows that what was central and innovative in their work came to them through some kind of sudden inspiration and materialized up to near completion. Not surprisingly, while, in other cases, intellectual forces are needed to solve a question, conscious activity does co-operate taking advantage, however, of its privilege by disguising all other activity wherever else it operates10.
In Poetry and Truth, Goethe thus evokes astonishment or even fear which apparently rational behaviour in animals might cause, or even movement animating certain kinds of plants such as the sensitive whose retraction suggests a kind of anthropomorphic intentionality prior to comparing them to the way poems are given birth to and yet without having to take part in their conception:
I came to look upon as belonging entirely to my nature the poetic talent in me all the more so that I was led to consider external nature as its object. Granted, the practice of this poetic gift may be determined by one occasion, but it was involuntary, and even against my will that it manifested itself with more joy and abundance11.
It is in his sleep that his works come to him and he has to make sure to avoid a much too abrupt a return to consciousness lest those precious waves of inspiration - which he takes down just the way one would write down a dream - suddenly disappear:
It was the same whenever I woke up and often wanted a leather doublet made for me, like one of my predecessors, and I would grow accustomed to focusing on whatever would suddenly rise at the touch in the dark. It often happened I would read out a few verses to myself, unable to find it again, that I would run to my stand and, without taking time to straighten up a sheet of paper, I would write the poem across the page, from beginning to end. Within the same order of ideas, I would end up using a pencil, whose traits are finer, for it happened sometimes that the screeching and the crackling of the feather would wake me up and prevent me from creating something new.12
Thus assigning the responsibility of choice to the unconscious hardly diminishes its artistic import. Locating the origin of its choice within the unconscious is not in the least to minimize its connection to its author or to misperceive the latter’s agency. Whether conscious or not, the composer’s choice remains such in the fullest sense of the expression, matching material or compositional intention to the key these two elements are expressed through. This relationship might be better understood through an intermediate term called, precisely, characterization. Within the categories _ we have just acknowledged that such characterization could have been established verbally (traditional characterization) as well as pre-verbally (unconscious characterization) or even non-verbally (musical characterization). If, once brought to the surface of consciousness, an unconscious characterization is set to words, ultimately under the guise of an evocative description, a specifically musical characterization may well function without verbal support. This is only true, however, from an idealistic point of view. In fact, once we step beyond the specific case involving a composer’s relationship to his works where such non-articulation may be conceivable, the passage to verbal expression becomes inevitable because of communicability. Without such verbalizing there is no possibility of passing anything on and therefore no tradition. As for non-articulation itself, it relates to pre-reflective, “obscure consciousness”, namely, a sub- or pre-conscious situation. And, as a matter of fact, the only form which, throughout history, shaped key characterization is the one Steblin describes in her thesis, that is, verbal associations.
If we have so far considered the composer’s case, what about his audience? Is the audience knowledgeable about the associations that key characterization relies upon? The kind of knowledge it is most likely to possess and the extent of it may vary according to times and levels of individuals’ culture. There is no reason to cast doubts on knowledge itself, however vague. As for the criterion relative to place, it is less determining since the musical culture of Classic and Romantic eras is strongly Europeanized thanks to musicians’ frequent travelling and the international range of editors’ distribution networks. What Steblin’s thesis actually demonstrates is the historical persistence of the notion of characterization through the writings of a line of composers and theoreticians present all over Europe, especially in France, Germany as well as Italy and England. If only through the numerous authors and their often considerable notoriety (Rameau, Rousseau, Mattheson, Kirnberger, Koch, Schilling, Rochlitz, Grétry, Galeazzi, Schubart, Vogler, Reicha, Berlioz, A. B. Marx…), such writings could not escape the most cultivated part of the audience and of course even less so to the composers themselves - especially in the case of compositional treatises. In addition, by introducing these descriptions within such non-theoretical works as novels (hence J. J. W. Heinse’s Hildegard von Hohenthal published in 1795-1796 or E.T.A. Hoffman’s Kreisleriana, published in 1814) or poetry (such as J. J. Wagner in his Ideen über Musik of 1823), a number of authors contributed to a broader spreading of such ideas. Thus, writing a sonata or a symphony in c minor and explicitly indicating it means stating something, willingly or not conveying a “message” – whether emotional or otherwise – even the most unspecified, to an audience of a given era.
What certainly does emerge here is not so much the content of each specific key characterization as the persistence of the notion of characterization. We may wonder about the consistency of this “message” over time and, as a matter of fact, when comparing descriptions of authors from different eras we cannot help noticing a certain number of inconsistencies. We may attribute this change to a gradual drift of the tradition of key characterization which might be better accounted for if we were to consider this tradition as merely arbitrary extra-musical grafting. These inconsistencies are, nonetheless, limited within the more common keys containing few or hardly any alteration. They increase through heavier keys, especially major keys with sharps such as E and B. Steblin points this out:
It may be significant that the inconsistencies are more striking for those keys most removed from C major, thus the keys seldom used in performance13.
Seldom used in the Baroque era, it is only within the context of mean temperament in use at the time that these keys seem to be difficult and unusual. They do not seem to acquire a real personality until the generalizing of equal temperament. Such an explanation may be found in Rameau:
The excess of last two Fifths and the last four or five Thirds is tolerable not only because it is almost inaudible but because it is found in the seldom used Modulations; except in cases where it is chosen for more pronounced expression. For it is useful to notice that different perceptions of intervals are proportionate to different alterations…14
Rameau’s case accounts for the transition from mean temperament to equal temperament and the problems musicians raised from the perspective of key characters. In his 1726 Traité de l’harmonie réduite à ses principes naturels as in his Nouveau Système from the same year, Rameau conventionally attributes differences between keys to differences in intervallic proportions within each key resulting from variable semitone sizes constituting them, the degree of alteration of these intervals leading either to attenuation or exaggeration of affects related to them: thus when the major third is too large it “goes as far as stamping ideas of rage on us” instead of joy which it “naturally excites us towards”; conversely, a much too small minor third “makes us sad” rather than “naturally taking us closer to sweetness
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