Ces arnaqueurs qui volent vos traductions
Ces
arnaqueurs qui volent vos
traductions.
Cet article
est la traduction de l’article original intitulé « Scammers
who steal translations »
publié en anglais dans la Base de connaissances de
Proz par Enrique Cavalitto, le
05/07/2012.
Certains
passages ont été adaptés pour une meilleure compréhension dans le
contexte
européen.
Ils vous
confient un projet, réceptionnent votre traduction, puis disparaissent
dans la
nature.
Trois types de fléaux et deux
règles fondamentales
L’industrie de la traduction est la cible de trois grandes catégories
d'arnaques, connues sous le nom de scams.
- L’arnaque classique et non
spécifique : l’escroquerie « bête et
méchante », primaire, qui touche tous les secteurs d’activité
sans discrimination. Les scams dits
« nigérians » et les scams « de
séduction » (Dating scams),
ces derniers visant à établir une fausse relation sur le mode sensuel,
amical, romantique ou compassionnel, en sont de parfaits exemples.
À ce niveau, une
simple dose de bon sens sera votre meilleure arme. N’oubliez jamais que si ça vous
paraît trop beau pour être vrai, c’est que tel est probablement le cas.
- L’arnaque
provenant d’une source étrangère à l’industrie de la traduction et
utilisant la
traduction comme paravent pour vous extorquer de l’argent.
Elle consiste, par
exemple, à envoyer au traducteur
un chèque falsifié ou "en bois", et à lui demander en retour de virer
une certaine somme, en bon argent, avant que la banque du traducteur
ait pu
vérifier la validité dudit chèque (délai pouvant atteindre
3 semaines).
Entrent dans cette catégorie les arnaques dites du
« surpaiement » et
du « client mystère » (Secret
Shopper), cette dernière forme pouvant aller jusqu'à
prétendre faire tester
de pseudo-services financiers ; il existe aussi différentes tactiques
promettant du travail contre paiement de frais d’inscription dans
d’hypothétiques bases de données. À ce
niveau-ci, une stratégie élémentaire de gestion des risques devrait
vous
assurer une protection suffisante.
- L’arnaque
provenant d’une source interne à l’industrie de la traduction, visant à
voler
le produit du travail du traducteur. De loin la
forme d’escroquerie la plus dangereuse, car les escrocs qui la
pratiquent
connaissent le métier et peuvent sembler crédibles au client final
comme au
traducteur. Cette
fois, la mise en œuvre
de procédures rigoureuses de gestion des risques et le partage
d’informations
entre collègues seront les seules armes efficaces.
Dans cet article, nous
démonterons les
principaux mécanismes des arnaques qui appartiennent à cette troisième
catégorie et ciblent autant le traducteur que le client final.
Dans chaque cas, nous
analyserons certains aspects de
la gestion des risques en fonction des deux règles essentielles (entre
autres) que
doit observer le traducteur lorsqu’il est contacté par un nouveau
client
potentiel, à savoir :
- Règle n°1 : Recueillez
des informations vérifiables sur l’entité qui vous contacte ET
assurez-vous que les personnes qui vous contactent sont bien ce
qu'elles disent être, notamment qu'elles agissent effectivement pour le
compte de l'entreprise/agence qu'elles prétendent représenter.
- Règle n°2 : Vérifiez la
solvabilité du client potentiel. Pour ce faire, utilisez le « Blue Board » sur ProZ.com et les
autres outils similaires disponibles (portails spécialisés, réseaux
sociaux, listes de diffusion, etc.) et faites une recherche sur le nom
de ce client sur Google et autres moteurs de recherche.
Le partage d’information
avec vos collègues et
la compréhension des méthodes et des différents styles adoptés par les
arnaqueurs sont autant d’atouts dans vos mains. ProZ.com met à la disposition
des traducteurs un
forum dédié aux scams et publie des " alertes scams ".
Les membres de ProZ.com
peuvent souscrire à ces alertes par
courriel.
L’usurpation de
l'identité de donneurs
d'ordre existants
Il
s’agit
d’arnaqueurs qui usurpent l’identité d’une agence de traduction
existante ou
d’un client final bien réel pour commander des traductions comme le
ferait
n’importe quel véritable donneur d'ordre. Pour cela, ils explorent les
répertoires professionnels en quête de traducteurs, leur passent
commande en
prenant soin de négocier conditions générales et tarifs, gèrent le
projet,
prennent livraison des traductions et réceptionnent les notes
d'honoraires.
Arrivés à ce stade, ils
disparaissent dans la
nature et si vous tentez de reprendre contact et vous lancez à leur
poursuite,
vous découvrirez bien vite que le véritable donneur d’ordre pour lequel
vous
étiez convaincu(e) de travailler n’avait jamais encore entendu parler
de vous.
Ce type d’arnaque
contourne la règle n°2
énoncée ci-dessus, car il vous amène, dans un premier temps, à vérifier
la
solvabilité d'un client avec lequel, en réalité, vous ne traitez pas
et, par la
suite, vous ne pourrez bien sûr pas laisser un commentaire négatif sur
un
client pour lequel vous n’avez effectivement pas travaillé.
En de telles
circonstances, votre seul bouclier
est la règle n°1. Dans ce cas particulier, le défi que vous
devez relever
consiste à vous assurer que la personne qui vous contacte pour le
compte d'une
entreprise est effectivement mandatée pour la représenter.
La vérification de
l’adresse courriel et de
l’adresse IP (voir
définition
sur Wikipedia) est une
précieuse
source d'information. Un
prétendu
gestionnaire de projets (PM) d’une
entreprise basée à Londres qui vous envoie un courriel du Nigéria,
voilà qui
doit vous mettre la puce à l’oreille. Un
PM d’une agence nommée BigCompany qui utilise une adresse
courriel gratuite (de type big_company@gmail.com) doit déclencher la
sirène
d'alarme. Plus
difficiles à détecter,
les adresses courriel au sein desquelles le nom de domaine n’a subi
qu’une
légère modification, à peine perceptible, par exemple @big_company.com
au lieu
du domaine existant @bigcompany.com.
Lorsque le nouveau
client potentiel est une
entreprise, vous devez toujours explorer son site web et vérifier ses
coordonnées de contact. Ainsi, vous
pourrez identifier le véritable nom de domaine que l’entreprise utilise
dans
ses courriels (c’est-à-dire le texte qui figure après le symbole
« @ » dans son ou ses adresse(s) courriel).
Envoyer un courriel (à
l’adresse figurant sur le site
de l’entreprise) ou téléphoner pour demander confirmation de l’offre de
travail
qui vous a été faite est une sage précaution et, si tant est que vous
formuliez
votre demande avec courtoisie et professionnalisme, celle-ci ne pourra
que
recevoir un accueil favorable de la part d'une entreprise sérieuse.
Vous trouverez des
exemples de ce type
d’arnaque ici, là ou encore
ici.
L’usurpation de
l’identité d’un collègue
traducteur indépendant
Il
peut
arriver que le donneur d'ordre dont l'arnaqueur usurpe l'identité ne
soit pas
une agence, mais un traducteur respectable et respecté de tous.
Les traducteurs
indépendants sérieux utilisant des
adresses courriel de type Gmail, Yahoo, etc. sont légion. En outre, il
n'est
pas facile de connaître la véritable adresse courriel qu'utilise un
traducteur ; par exemple, au titre de la protection des
données
personnelles et pour les tenir à l’abri de cet autre fléau que sont les
spams, ProZ.com ne publie pas les
adresses courriel de ses utilisateurs.
Si le prétendu collègue
traducteur qui vous
contacte pour vous confier une traduction est un utilisateur ou un
membre de
ProZ.com, le contacter directement via
son profil ProZ pour lui demander confirmation de la proposition qui
vous est
faite devrait vous prémunir contre les arnaques d’usurpation d’identité
de
cette nature.
La pire situation à
laquelle vous puissiez être
confronté(e), c'est lorsqu’un arnaqueur s’empare de la véritable
adresse
courriel d'un collègue traducteur (par détournement ou au moyen de
logiciels
espions ou malveillants) et est alors en mesure de vous contacter pour
une
traduction à partir de l’adresse légitime de ce collègue. Il est prudent de chercher à
obtenir confirmation,
lorsque c'est possible, par un autre canal (par SMS, téléphone, Skype,
etc.).
Gardez toujours présent
à l'esprit le principe
que nous avons exposé au début de cet article : les
coordonnées de votre
contact doivent être vérifiables et
vérifiées.
Il existe une variante
de l’arnaque
d’usurpation d'identité qui consiste pour l'arnaqueur à prétendre agir
pour le
compte d'un collègue connu dans le but de lui venir en aide, alors que
ce
collègue connaîtrait un coup dur qui le mettrait dans l’incapacité de
tenir ses
engagements professionnels. L’arnaqueur évoquera alors un accident
vasculaire
cérébral, une crise cardiaque, un accident… Soyez particulièrement vigilant
en de telles circonstances et n’oubliez pas
de valider la situation par un canal indépendant.
Vous trouverez des
exemples de ce type
d’arnaque iciet là
La
« création » d’un faux donneur
d’ordre
Dans
ce
cas, l’arnaqueur n’usurpera pas l’identité d’un donneur d’ordre
existant, mais
s’en forgera une de toutes pièces, avec un nom et une adresse courriel
créés à
cet effet, allant dans certains cas jusqu'à inventer un nom
d’entreprise, voire
doter cette compagnie imaginaire d’un vrai site web.
Ces arnaqueurs vous
contacteront pour
solliciter la prestation de services professionnels, tout comme le
ferait
n’importe quel autre client, mais ils n’auront bien sûr aucune
intention de
vous payer et disparaîtront dès après réception de votre traduction.
Les victimes peuvent
éprouver un faux sentiment de
sécurité devant le site web de la prétendue entreprise ou le profil que
ces
arnaqueurs auront bâti sur ProZ.com, allant parfois jusqu’à payer leur
cotisation de membre, mais aucun de ces éléments n’apporte la garantie
qu’il
s’agit bien là d’un vrai et honnête client.
Des indices à ne pas
négliger :
- La visibilité du
« client » sur Google est très faible (une recherche
sur son nom ne ramène qu'un nombre de pages limité, voire nul), ce qui
est plutôt inhabituel pour une entreprise.
- Le Blue
Board de ProZ.com et autres outils similaires ne fournissent
aucune information sur cette entité (jusqu’à ce que l’arnaque soit
démasquée et que l'arnaqueur crée alors un nouveau nom et un nouveau
site).
- Le site web est de qualité
médiocre, ne "fait pas" professionnel et ne comporte généralement pas
de coordonnées de contact détaillées, par exemple l’adresse se résume à
une boîte postale et aucun numéro de téléphone n’est mentionné.
- Dans certain cas, une recherche
dans Google sur certaines chaînes de texte extraites du site web du
« client » vous amènera à constater que son contenu
n’est qu’un vulgaire assemblage d’éléments volés à un ou plusieurs
sites légitimes.
Le cas de la
« société » Lego Translations est un
exemple
intéressant de ce type d’artifices :
- La "société" possédait un site
web non référencé par Google.
- Aucun numéro de
téléphone n'était mentionné.
- L’adresse
postale situait l’entreprise aux États-Unis, à Los Angeles, tandis que
son
adresse IP la localisait en Jordanie, à Amman.
- Lorsque
l’adresse fournie a fait l’objet d’une requête sur Google Maps, les
caméras
associées au système ont montré une librairie dont les propriétaires,
contactés, ont confirmé l’inexistence d’une telle agence de traduction
à cette
adresse.
- Enfin, et
surtout, le contenu de leur site web avait été malhonnêtement
« emprunté »
à plusieurs sites légitimes.
Une enquête menée avec des
outils à la portée
de tout un chacun peut vous en apprendre
beaucoup.
L’usurpation de
l’identité de clients ET de
traducteurs
Des
donneurs d’ordre ont déclaré être contactés par des arnaqueurs qui leur
soumettent des devis en usurpant l’identité de traducteurs renommés et
talentueux, fournissant pour preuve de leur professionnalisme le profil
et le
résumé/CV du vrai traducteur pour lequel ils se font passer. Après que la
traduction leur a été confiée, ils livrent un travail de piètre qualité
- ayant
sans doute recouru à quelque logiciel de traduction automatique -,
accompagné
d’une note d’honoraires. Dans certains cas, les agences
payent les honoraires,
en se promettant bien de ne plus jamais employer ce prestataire.
Dans ces circonstances,
l’agence et le vrai
traducteur ont tous deux été arnaqués : la première a perdu de
l’argent
(et probablement un client), quant au traducteur, ignorant tout de
cette
arnaque, il voit sa réputation professionnelle ruinée et son prestige
s’envoler. Le
donneur d’ordre aurait dû
chercher confirmation des coordonnées et de l’identité du traducteur.
Des arnaques plus
complexes ont été signalées
et leurs mécanismes reconstitués ; il s’agit de situations
dans lesquelles
les criminels s’immiscent dans les relations entre traducteurs et
agences selon
la méthode suivante :
- Un vrai donneur d'ordre met en
ligne une offre de travail et les arnaqueurs accèdent aux
caractéristiques précises de cette offre.
- Les arnaqueurs
postulent pour ce travail en usurpant l’identité d’un vrai traducteur
et en
utilisant les véritables coordonnées et le vrai résumé/CV de celui-ci,
mais en
fournissant au donneur d’ordre une fausse adresse courriel.
- Le donneur d’ordre finit par
confier le travail aux arnaqueurs, pensant traiter avec le traducteur
dont l'identité a été usurpée, totalement à l’insu de ce dernier.
- Une fois que la réalisation de
la traduction leur a été confiée, les arnaqueurs usurpent l’identité du
véritable donneur d’ordre (ou d’un autre) et proposent le travail à
leurs victimes, offrant généralement d’excellents tarifs.
- Lorsque les arnaqueurs
reçoivent la traduction effectuée par les victimes, ils la livrent au
donneur
d’ordre original, se font payer par celui-ci et… disparaissent.
- Le traducteur qui a
effectué le travail se retrouvant impayé se plaint de ce non-paiement
auprès
d’un donneur d’ordre (dont l’identité a également été usurpée et qui
ignore
tout de la situation) qui ne lui a jamais confié le moindre travail.
C’est
alors que la vérité éclate et que l’arnaque est démasquée,
malheureusement trop
tard.
Un plan de ce type ne
peut fonctionner que si
le véritable donneur d’ordre et les traducteurs victimes ne prennent
pas la
précaution de réunir les informations élémentaires sur leurs prétendus
partenaires et ne vérifient pas leur identité, comme le préconise notre
règle
n°1 de la gestion des risques encourus par les traducteurs.
En
conclusion : un appel à la prudence
et une note d’espoir
Cet
article a pour objectif de vous amener à prendre conscience du fait que
de
nombreux arnaqueurs, prêts à l'action, rôdent dans les parages.
Il ne se passe pas une
semaine sans que des collègues
nous signalent le vol du fruit de leurs efforts et/ou de leur argent.
On ne doit en aucun cas
sous-estimer ce phénomène ;
en effet, nous parlons là d’une forme de crime organisé qui amasse
chaque année
un butin de plusieurs millions de dollars. Qui plus est, avant de se faire
piéger, la plupart des victimes vous
auraient affirmé haut et fort qu'une telle mésaventure ne pourrait
jamais leur
arriver.
Il y a toutefois des
raisons d'espérer, car la
mise en œuvre de procédures élémentaires de gestion des risques peut
vous
mettre à l’abri de la plupart des arnaques. La gestion des risques n’a rien
de compliqué ; ce n’est pas non
plus un concept à la mode dont on saupoudre les discussions dans les
forums et
les conférences sans jamais le mettre en pratique. La gestion des
risques est
une activité cruciale qui devrait faire partie intégrante du cœur de
métier de
tout travailleur indépendant.
En tant que travailleur
indépendant, vous
constituez une unité économique, une petite entreprise, et il vous
appartient,
à l’instar de n’importe quelle autre entreprise, d’appliquer les
nombreux
processus gestionnels au nombre desquels figure la gestion des risques.
En fin de compte, la
qualité et la cohérence de vos
procédures de gestion des risques seront bien les seuls boucliers qui
protégeront votre temps et votre argent des attaques de réseaux de
criminels
organisés.